10 février 2011

Chapitre 2 ou Celui qui marche sans avancer



Il avait toujours détesté le train. Les banquettes étaient inconfortables au possible, la machinerie produisait un vacarme à réveiller les morts et les wagons étaient constamment agités de soubresauts qui l’empêchaient de se maintenir dans un état de stase tranquille.
Le brusque changement de son organisme le déstabilisait, il avait l’impression d’être constamment fatigué mais de ne pas pouvoir dormir avant de longues heures à se retourner dans ses draps. Alors il lui arrivait de somnoler pendant une demi-heure, jamais davantage à cause de ces satanés soubresauts.
Il avait prévu de partir le lendemain du réveil d’Alphonse, et honnêtement, il n’avait pas prévu que ce soit aussi rapide. Evidemment tout s’était enchainé à une vitesse exponentielle… Le rejet de son frère, les aveux aux deux Rockbell, la déclaration avortée de Winry à la découverte de son départ précipité…
Un sourire âpre pinça ses lèvres en y songeant. Finalement ça ne s’était pas si mal passé, et il avait tenu au moins une de ses promesses : Al allait enfin pouvoir revivre dans son corps. Quelque part dans une poche de sa sacoche, un petit carnet de cuir noir rempli par l’écriture fine et maladroite d’une main gantée se bat en duel entre divers objets pour le moins encombrants pour ne pas mourir écrasé. Un petit carnet qui devait disparaitre des yeux de son propriétaire pour qu’il ne se pose pas trop de question. Un petit carnet qui lui serait bien utile s’il revient un jour.
« Eh bien, soupira t’il intérieurement, je me demande ce que je vais faire une fois que j’aurais donné ma démission… Le temps que je trouve du travail il va falloir que j’économise un peu…Donc, éviter les hôtels trop luxueux. Ca va me manquer de ne plus pouvoir acheter ce que je veux quand je veux… »
Le paysage, trop monotone à son goût, défilait rapidement sous ses yeux, de sorte qu’aucun élément n’accroche son regard trop longtemps. Le temps où il pouvait rire d‘un rien lui manquait, même alors que la situation leur semblait désespérée il avait toujours gardé une blague un peu morbide, ou provocante pour ne pas trop perdre le moral et se forcer à réfléchir. Une brume suffocante étouffait toute bride de réflexion dans son cortex endolori, l’empêchant d’avoir des pensées cohérentes autres que ses souvenirs récents. En fait il préférait se concentrer sur ce qui venait de se passer plutôt que de repenser à tout ce qu’il avait vécu avec le châtain ou pire à ce qui l’attendait à Central.
Sa main droite ripa contre la vitre dans un bruit de craie écrasée sur un tableau, se rappelant à lui avec insistance. Finalement il devrait finir par s’y habituer, à ces automails.
Le train ralenti soudainement, annonçant un arrêt à une gare quelconque. Une soudaine envie de descendre lui intima de se lever et de courir sur les routes, seul, histoire de bien coller au héro désœuvré mais son corps lui-même lui faisait défaut, refusant de lever ne serait que le petit doigt.
« Combien, de ceux à qui j’ai botté le train, seraient prêt à vendre père et mère pour me voir comme ça ? Merde, je déteste cet état ; je crois que même si Mustang me faisait une remarque sur ma taille j’aurai la paresse de répondre. »
Le paysage se remit en mouvement, lentement d’abord puis avec assez de vitesse pour qu’on ne puisse plus distinguer la différence entre un saule et un bouleau.
Plusieurs heures s’égrainèrent, jusqu’à ce la ville supplante la campagne et que le gris de tous les immeubles grisâtres remplacent la verdure de l’herbe folle. Toujours immobile alors que les autres voyageurs rassemblaient leurs affaires Edward patientait, peu attentif à l’agitation qui l’entourait. Peu à peu le wagon se vida et les passagers se dirigèrent vers les différentes extrémités de la rame, une fois pénétré dans l’immense baraque que formait la gare de central il restait le seul encore assis sur les nombreuses banquettes pourtant inconfortable. Une petite fille couru vers lui suivi de près par sa mère, elle s’arrêta environ deux sièges avant le sien et commença à remuer ciel et terre pour retrouver dieu seul savait quoi. Amusé l’adolescent suivi les pérégrinations de la gamine. Elle était affublée d’une horrible petite robe rose, encombrée par d’énormes nœuds bleuets, elle portait en guise de bracelets des fleurs aux tiges tressées, des marguerites blanches à première vue, qui perdait de ses pétales en suivant les mouvements erratiques et effrénés de ses petits bras.
Un bout de tissu ressemblant de loin au bord d’un chapeau dépassait de dessous le banc mais ni elle ni la femme qui l’accompagnait ne s’en apercevait. Ce n’était peut-être pas ce qu’elle cherchait mais avec un dégout pour lui-même qui le surprenais il se mit à songer qu’à peine une semaine plus tôt il se serait presque précipité pour aider cette fillette. Enfin après maints effort elle ressortie le chapeau à bord large à présent un peu gris de poussière, elle l’enfonça sur sa tête et fit un grand sourire vers sa mère. Ce doit être à ce moment qu’elle le vit, ce garçon pas très grand et renfrogné qui ne s’était pas levé, qui n’avait même pas bougé en fait, alors que le train allait bientôt arriver.
-Dit maman, pourquoi le monsieur là bas il descend pas sa valise comme les autres, demanda t’elle candidement.
La femme, assez jeune visiblement se retourna vers le plus jeune avant de réprimander sa fille en disant que ce n’était pas bien de parler des gens ainsi, et que le monsieur faisait bien ce qu’il voulait après tout.
La vérité c’est qu’Edward n’avait pas envie de bouger, bien sûr il le faudrait, avant que le train ne reparte dieu seul sait où. Il n’avait plus aucune motivation, plus aucune envie. Alphonse était le moteur de sa vie, il n’avait pas de raison de continuer sans lui.
A l’extérieur deux enfants courraient en direction de la sortie, se chamaillant gaiement. Cette vue le dégouta et il commença à descendre sa valise, histoire de ne plus les voir.
-Jean, fait un peu plus attention ave ton frère s’il te plait, tu vas finir par lui faire du mal.
Ses mouvements se firent un peu plus saccadés tandis que la voix de la mère, étouffée par la vitre du train, réprimandait les deux garnements. Depuis quand deux mioches mettaient sa conscience aussi à mal ?

Central avait toujours été une ville d’un gris désolant et ses habitants restaient loin de toute fantaisie, coincés dans la monotonie qui les affligeait.
Le quartier militaire était tout ce qu’Edward avait toujours haï : des bâtiments droits et impersonnels affublés de fenêtres standards et de marches octogonales, le tout encerclant une cour sans attrait et introduisant un immense immeuble qui arborait avec arrogance le tabard d’une nation crée pour sa destruction. Ce monde là était emplie d’homme tordu, marchant au même pas et impassible.
Ce bâtard de Colonel Mustang avait fini par monter en grade, sous le regard condescendant de ses adversaires, pour aide à la nation et démantèlement de complot contre l’ordre d’Amestria. Général de Brigade, à l’image de Hughes.
C’était bien beau les idéaux de paix et de liberté mais avec le nouveau parlement qui se mettait en branle il fallait se méfier des politiciens trop ambitieux et opportunistes. L’armée, affaiblie après la chute de King Bradley et des Homonculus en général, avait été exclus des débats concernant le pays, ou presque. Le nouveau Généralissime en vigueur n’était pas un imbécile selon les rumeurs, il était simplement trop vieux pour s’opposer à un régime politique trop dynamique, au risque de laisser passer beaucoup de réforme inutiles ou même despotiques. Ainsi l’armée n’avait plus son mot à dire, elle faisait acte de présence au conseil, ne serait ce que pour accuser officiellement le Généralissime des problèmes aux frontières. De la politique.
Toute l’équipe de Mustang devait être confinée dans ses quartiers pour cause de travail incommensurable : il y avait peu de répit pour les braves gens.
L’adolescent monta les marches quatre à quatre et se présenta juste à l’heure devant la secrétaire du chef de guerre. Celle-ci l’introduit après avoir annoncé sa présence et referma la lourde porte de chêne qui le séparait du couloir de la sortie.
L’homme devant lui était vieux, une soixantaine d’année au moins, et fatigué, il avait des cernes qui creusaient ses joues comme une tranchées. Il lisait un quelconque rapport, ne semblait pas avoir remarqué sa présence. Cela n’impressionna pas le blond, les hommes puissants ou importants faisaient souvent cela pour se donner l’air occupé mais vu la pile de dossier sur le bureau son ennui n’était pas feint.
-Monsieur l’Alchimiste Fullmetal, Edward Elric.
Ses yeux n’avaient pas déviés du dossier.
-J’avais cru comprendre que vous êtes quelqu’un d’occupé.
-Exact.
-Je suppose que vous n’êtes pas là en simple visite de courtoisie.
Silence.
 Edward pesait ses mots, de toutes les voies il avait toujours choisi l’honnêteté brute, déstabilisante. Ca lui avait, plus d’une fois, donné l’avantage sur un adversaire.
-Je n’ai pas le temps pour jouer aux devinettes Monsieur Elric, si vous avez quelque chose à dire, dites-le.
-Je suis venue demander ma démission.
-Il y a un service pour se genre de choses.
Il le fixait désormais.
-Eh bien, je suppose qu’en voyant ma demande de démission vous m’auriez convoqué, j’ai simplement pris l’initiative de nous faire perdre moins de temps.
Sa voix lui paraissait légèrement lointaine, détachée, comme si tout ce qu’il faisait n’avait plus aucune importance.
-Y a-t-il une raison à ce brusque revirement ?
-Je ne suis plus capable d’exercer l’Alchimie.
-Pour quelle raison ? Avait vous une preuve ? Depuis quand ? Non, ne dites rien, laissez réfléchir.
Edward soupira, les émotions du Généralissime étaient flagrantes, sa surprise, sa suspicion, son agacement se lisaient comme dans un livre pour enfant.
-Il est impensable que vous quittiez l’armée jeune homme, je ne peux décemment pas me séparer d’un alchimiste aussi doué en ces temps difficile. Je ne remets pas en cause votre parole, mais vos connaissances en la matière sont exponentielles et vous pourriez former d’autres individus, en faire de bon alchimistes.
-Monsieur, quand je dis que je ne suis plus capable d’exercer l’Alchimie, cela vaut aussi pour mes connaissances –en soit cela était faux, mais s’il devait éduquer des soldats avec ce qu’il avait apprit, la fin du monde serait alors bien proche- je ne me souviens plus de rien. Il me faudrait des années pour réapprendre, et je ne suis pas sûr que cela serve à grand-chose –mensonge pour mensonge, autant ne pas trop en rajouter quand même.
-Nous trouverons bien un poste pour vous si cela s’avère vrai. Vous passerez à la section 8 où vous y rencontrerais le major Amstrong, il vérifiera la véracité de vos dires.
-Bien Monsieur.
Berner le major Amstrong ne relèverait pas de l’impossible au moins. Il allait se lever quand son interlocuteur enchaina.
-J’ai besoin de votre avis sur le Général de Brigade Mustang.
-C’est un bon officier, répondit-il prudemment à son supérieur.
-Il convoite cette place avec bien plus de force que je ne l’ai fait et je doute que m’en faire un ennemi soit la meilleur solution. Vous avez été sous ses ordres, dites moi plus sur lui.
-C’est un homme distrait, menteur et incompétent.
-Ce n’est pas ce que j’appelle un bon officier êtes –vous…
-Mais, l’interrompit l’aîné Elric, il est aussi droit, fidèle à ses idéaux, redoutablement efficace et tenace.
-Vous seriez favorable à sa promotion en tant que Généralissime.
-Non, je suis favorable à ce que ce bâtard de colonel aille rôtir quelque part en enfer.
-Oh.
-Mais je ne suis qu’un gamin arrogant et fier qu’il a manipulé pendant près de six ans.
-Et en mettant votre rancœur au placard ?
Le blond resta silencieux plusieurs minutes, manifestement en train de réfléchir.
-Gardons cette question en suspens jusqu’à ce que j’ai moi-même une réponse, conclu t’il.
-Vous êtes un gamin trop intelligent pour votre bien, mauvais militaire qui plus est.
-Merci. Si je peux me permettre il y a bon nombre de candidats au poste dont vous devriez surveiller la progression, je pense à Olivier Amstrong notamment.
Le Généralissime fronça les sourcils jusqu’à ce qu’ils deviennent une simple ligne noire et broussailleuses au dessus de ses yeux.
-Drachma ne lui laissera pas le temps de formuler son ambition, quelle qu’elle soit.
Edward grimaça, tant à cause de la révélation que de sa nature. On ne racontait pas une telle information à un futur licencié bordel !
-Quant aux autres, ce ne sont pas des adversaires sérieux, pas même soutenu par leurs subordonnés ou du moins pas au point que ceux-ci jouent leur poste. Je me demande jusqu’où ce Mustang est prêt à sacrifier pour atteindre ma place.
-Mustang ne sacrifiera pas ses pions Généralissime, ils lui sont trop précieux. il les utilisera, les gardera auprès de lui pour les protéger ou bien les enverra au loin pour s’en débarrasser mais jamais il ne les sacrifiera. Si je peux me permettre un conseil, ne jouez jamais contre lui aux échecs, non seulement il ne vous libèrera qu’une fois sa victoire acquise mais il apprendra de vous tout ce qu’il est possible d’apprendre, par la force ou ma ruse sans que vous en aillez conscience.

-Tu pourrais vivre à Resenbool ! Al finira par t’aimer, même si tu n’es plus son frère.
-Ce n’est pas possible Winry.
-Ne dit pas ça. Le Ed que je connais ne dirais pas ça, il n’abandonnerai pas, même s’il n’y a pas d’espoir.
-Je sais, mais ça ne sert à rien, il n’y a aucune chance que la situation se résorbe.
-Le Ed que je connais à la foi.
-L’alchimie, corrigea t’il, et je ne l’ai plus.
L’adolescent resserra son long manteau rouge autour de ses épaules, la pluie qui se déversait au dehors descendait le thermostat d’un ou deux degrés.
-Tu n’es pas juste Ed, tu prends toujours tes décisions sans nous concerter et tu décrètes que c’est de toute façon la meilleur.
-Ca l’est.
-C’est toi qui le dit. Je t’aime Ed.
-Je sais, je t’ai déjà répondu.
-Tu parles d’une réponse ! « Al a besoin de toi… »
-C’est la vérité.
-La vérité c’est que j’ai besoin de toi Ed.
-Et moi j’ai besoin que quelqu’un veille sur lui, que quelqu’un l’aime. Il n’y a que toi qui puisses faire ça Winry. Et de nous deux je ne suis pas celui que tu as toujours préféré.
-Arrête, s’il te plait arrête.
La cabine téléphonique bipa, signe qu’il devait rajouter de la monnaie pour continuer la conversation.
-Je vais raccrocher.
-Non, ne fait pas ça ! Edward, ne raccroche pas.
Mamie Pinako dut arriver à ce moment.
-Winry, Alphonse te réclame.
-Oui j’arrive, Ed, n’en profite pas pour rac…
La tonalité termina sa phrase. Le blond raccrocha. Il était si fatigué.
La pluie gagnait en intensité dehors et il n’avait mais alors vraiment nulle part où aller. Il laissa sa valise dans la cabine pour qu’elle ne prenne pas l’eau et sorti pour s’asseoir dans le parc adjacent.
Il était détrempé mais la pluie lui faisait du bien, il pensait à tout ce qu’il avait apprit, à toutes ces formidables connaissances qu’il avait acquis en ramenant le corps d’Alphonse et qu’il ne pourra jamais utiliser. Il sentait les protestations douloureuses de ses automails, à cause de l’humidité.
Il n’avait jamais pensé au suicide, et même alors que la situation paraissait désespérée pour lui rien n’avait plus de valeur que la vie ; le froid qui engourdissait ses membres, son esprit, sa douleur, il n’y avait rien de semblable à ça.
-Edward Elric, puis je savoir ce que tu fais sous la pluie et pourquoi tu ne t’abrites pas ?
-De tous les foutus militaires qui trainent en ville il a fallu que je tombe sur vous, lieutenant Breda.
-Désolé, boss. Je sais pas exactement pourquoi d’ailleurs… mais euh… si je peux me permettre boss, tu n’as pas répondu à ma question.
-Arrêtez de m’appeler Boss. Je ne suis plus votre supérieur Breda.
-Tu veux pas qu’on se mette à l’abri ? Je connais un café sympa à deux rues d’ici.
-Vous n’allez pas me laisser si je dis non, n’est ce pas ?
-Non m’sieur.
-Alors, allons y.
Le café était vide, mais accueillant. Breda devait être un habitué car la serveuse le salua avec chaleur et leur somma a tous les deux d’ôter leur manteau dégoulinant. Ils s’installèrent près d’un chauffage et le lieutenant roux commanda deux chocolats chaud.
-Alors ? entama l’aîné, tu n’as rien à me dire.
-Non, je ne vois pas pourquoi je me justifierai.
-On s’est beaucoup inquiété à ton départ.
-Je suppose que oui.
-Ne joue pas au gamin Major.
-Et pourtant j’en suis un Breda, je n’ai que 17 ans.
-Très bien, qui êtes vous et qu’avez-vous fait d’Edward Elric ?
-Je suis fatigué Breda, plus que je ne l’ai jamais été durant toutes ces années réunies.
-Où est Alphonse ?
-A Resenmbool.
-Il va bien ?
-Oui.
-D’aaaaaaccord, tu as décidé que tu ne dévoilerais tes info qu’au compte goute.
Edward eu un sourire désabusé.
-Et vous ? Où vous dirigiez vous ?
-Vers ma voiture, le parking n’est pas très loin du parc, mais tu le savais déjà. J’ai vu quelqu’un assis sur le banc, toi en fait, et je me suis dit que ça devais quelqu’un qui avait besoin d’aide et puis voilà.
-Je croyais que vous viviez au dortoir ?
-On est samedi monsieur, j’aime mon travail mais pas au point d’y rester même le week-end où je n’ai pas trop à faire, pour une fois.
-Oui, vous avez raison. Des nouvelles de Maria Ross ?
-Elle est sur le chemin du retour et de la réhabilitation. Toutes les charges retenues contre elle ont été levées.
-C’est bien.
-Tu parles comme un vieillard Edward.
-Ouais…c’est sûr.
-Tu a un endroit où dormir ce soir ?
-L’hôtel.
-Ouais, donc nul part en gros. Vu que je suis en coloc avec Fuery j’ai pas moyen de te faire une place, même sur le canapé, mais je suis sûr que le Colonel Hawkeyes ou le Général de Brigade Mustang auront un lit en rab’ chez eux. Je vais les appeler.
-Non.
-Comment ça non ? Je vais pas te laisser à l’hôtel sans ton frère alors que tout le monde attend de tes nouvelles avec angoisse. Qui sais ce que tu vas faire comme dégât. Je dois au moins prévenir Mustang.
-Non.
Sa voix était ferme, pas énervée et c’est ce qui inquiétait Breda ; Ed était et avait toujours été quelqu’un de très colérique, qu’il garde son calme, même relativement montrait que la situation était grave.
-Ecoute moi sale gamin arrogant totalement stupide, tu vas me suivre sans discuter jusque chez le Général de brigade, lui sauras te faire cracher les vers du nez… et si tu n’es pas content c’est la même chose.
Et Breda exécuta sa menace sans prendre en compte les grognements exaspérés du blond, et le fait qu’il ne tape pas un scandale en pleine rue, ni ne profite d’un moment d’inattention pour s’enfuir avec un peu d’alchimie l’alarma plus que ne le rassura. Le gamin allait mal. Qui sait ce qui se serait passé s’il ne l’avait pas un obligé a venir, ou même trouvé dans le parc, sur le chemin du retour.
-Combien de temps tu comptais rester sous la flotte si j’étais pas venue ?
Il ne prit pas la peine de répondre.
Arrivé devant l’immeuble de Mustang, gris et impersonnel comme la majorité des baraquements militaires de Central, le lieutenant du encore tirer l’alchimiste hors de la voiture et sonner à la porte d’un appartement jusqu’à ce qu’un homme échevelé ouvre la porte.
-Breda, on peut savoir ce que vous faites là à cette heure ?
-Je vous ramène un fugitif.
Sur ce il s’écarta doucement et laissa voir le blond, clairement mécontent.
-Fullmetal, encore et toujours toi ? Que me vaut l’honneur de ta visite Votre Petitesse ?
Ed gronda mais ne bondit pas en hurlant comme à son habitude.
-Je l’ai trouvé dans le parc, répondit le rouquin, il n’a nulle part où dormir.
-Et bien sûr vous le ramenez chez moi. J’ai pourtant le souvenir net d’avoir annoncé que la prochaine fois que je voyais sa face de nabot je le carboniserai.
-Quand vous aurez fini vous pourrez me laisser partir.
-Breda vient de dire que tu n’avais nul part où aller.
-Et alors ? Ca vous pose un cas de conscience ? Je n’ai pas envie d’être ici et vous n’avez pas envie que je sois là, laissez moi partir et point barre on en parle plus.
-Où est Alphonse ?
-Il est à Resembool, expliqua Breda.
-Pour quelles raisons ?
-Je ne sais pas.
-Fullmetal ?
-Vous n’avez pas besoin de savoir pourquoi.
-Tu es encore sous ma juridiction Edward.
-En tant qu’alchimiste oui, mais en tant que citoyen d’Amestria surement pas, maintenant lâchez moi.
Silence.
-Monsieur, je dois rentrer, je peux compter sur vous pour le gamin ?

-J’espère que je vous dérange.
-Très exactement oui, alors met toi dans un coin et ferme là.
Silence, un gargouillement intense s’éleva du ventre du cadet.
-Tu te fous de moi c’est ça ?
-Si vous croyez que je le fais exprès.
Une légère rougeur s’épanouissait sur les joues du blond, ce pourquoi il détourna la tête si vite, à s’en faire craquer les vertèbres.
-Assieds-toi, il reste des pâtes dans le frigo.
Le repas fut assez bref et vu l’heure, en l’occurrence minuit moins le quart, les deux hommes ne tardèrent pas à aller se coucher.
Le lendemain Edward trouva sur la table de la cuisine un papier sur lequel était écrit ceci : « ne touche à rien, ne casse rien, sois là à 19h ».
-Charmant.
Il trouva dans les placards du chocolat en poudre et une bouilloire qu’il remplie d’eau et mit sur le gaz encrassé, Mustang ne devait pas beaucoup l’utiliser ; du pain frais attendait sur la table avec une baratte à moitié pleine et les pots de confiture bien entamés dans le frigo témoignaient que leur propriétaire aimait le sucre.
Son petit déjeuné englouti et sa vaisselle nettoyé il s’investit de visiter les lieux. L’appartement était spacieux et décoré simplement mais avec chaleur. Toutes les pièces étaient colorées dans un ton chaud, du bordeaux à l’orange en passant par un jaune pâle. Ce n’était pas de mauvais goût, mais il n’aurait pas pu vivre dans tout ce rouge. Seule la salle de bains dans un beige neutre avait échappé à la furie carmin du Général de Brigade.
Il y avait une bibliothèque assez impressionnante traitant avant tout d’Alchimie et l’adolescent en feuilleta deux ou trois dans la matinée, il du s’arrêter car il avait failli s’étouffer de rire… connaître la vrai nature de l’Alchimie avait un peu de bon au final.
Une horloge sonna midi, il poussa un peu plus ses investigations et trouva sur une étagère un peu basse quelques conserves de légumes. Il réussi plus ou moins à les cuisiner sans mettre le feu à la pièce et mangea une tambouille noirâtre à peu près satisfaisante. Une fois le tout nettoyé il prit la liberté de réquisitionner la salle d’eau et tenta vainement de trouver de l’huile, histoire de graisser un peu ses automails. Le téléphone sonna vers 14 heures mais n’étant pas chez lui, l’adolescent ne prit pas la liberté de répondre.
Il pensa un moment à aller voir Amstrong dans la journée histoire que l’affaire se termine au plus tôt mais Ed n’était pas sûr qu’il travaille un samedi aussi ne prit il pas la peine de se déplacer.
Il se demanda vaguement pourquoi il ne quittait pas l’appartement au propriétaire honni, mais avec le recul Mustang ne l’avait pas chassé et il avait vraiment la flemme de chercher un autre endroit où dormir. Après tout, ici il faisait chaud et il pouvait loger gratuitement. Le FlammeAlchemist resterait toujours un problème quoiqu’il arrive alors autant s’épargner un cache cache aussi inutile qu’épuisant car il savait pertinemment que le bâtard avait tout à fait les ressources pour le retrouver où qu’il soit.
Après ce court raisonnement intérieur, il reprit un livre et lu jusqu’à assoupissement.
Il était 18 heures quand la porte d’entrée s’ouvrit et le fit lentement émerger des lymbes du sommeil.
-Tu as prit tes aises à ce que je vois.
-Vous rentrez tôt.
-Hawkeyes a été plus persuasive que prévue.
Le propriétaire des lieux jeta son manteau qui atterrit approximativement sur un fauteuil puis disparu dans la cuisine pour se faire, devina Edward à l’odeur, du café, et reparaître accompagné de sa sacro-sainte tasse pleine de sa sacrosainte ambroisie pour se crasher dans un autre fauteuil en face de son invité forcé.
-Bon qu’est ce que tu fais là ?
-Vous ne m’avez pas chassez à ce que je sache.
-Non, mais vu ton caractère borné je pensais perdre deux jours de travail à te chercher parce que tu nous aurais fait une fugue.
-Vous devriez être satisfait je nous ai fait économiser deux jours.
-De plus Breda m’a plus ou moins briefé sur ton attitude anormalement calme.
Mustang devenait de plus en plus suspicieux.
-J’ai appelé Mademoiselle Rockbell pour savoir si Alphonse était bien avec elle, elle me l’a confirmé.
Silence.
-Quand je l’ai questionné sur son état elle m’a répondu que je n’avais qu’à te le demander.
Silence.
-Je crois qu’une explication s’impose Edward Elric.
-Je n’ai rien à vous dire.
Il n’y avait pas de défi dans ses yeux ambrés, juste un profond ennui qui était plus qu’inconnu au militaire. Le blond ne l’avait pas habitué à ce genre de réaction.
-Quelqu’un a chercher à vous appeler cet après midi.
-N’essaye pas de détourner la conversation.
-Ca n’est pas une conversation puisque je ne vous dois aucune explication.
-Tu quoi ?
Mustang s’indignait, se révoltait intérieurement. Il pouvait bien cacher ses sentiments derrière un masque neutre ou bien froid le cadet arrivait toujours à voir ce à quoi il pensait avec exactitude. Son ancien supérieur n’était qu’un salaud manipulateur avec des idées de grandeur trop arrêtées. Son seul mérite était d’avoir réalisé sa faiblesse face à la folie du gouvernement et d’essayer à tout prix d’en changer.
-Je ne vois pas pourquoi je m’acharne à te parler tu n’es qu’un sale gamin égoïste qui pense que tout lui est du parce que tu es légèrement plus malin que la moyenne de ton âge.
Son air paraissait las mais en réalité il tentait vainement de le faire réagir, une tactique basique et inefficace bien entendu. C’était d’ailleurs d’agacement qu’Edward serrait les poings, parce que Mustang pensait qu’il se laisserait berner aussi facilement et certainement pas à cause de ses accusations. Il ne lui offrit pas la satisfaction de détourner les yeux.
-C’est vrai que disparaitre poursuivi par trois Homonculus, au bas mot, laissant ton frère perdant peu à peu son âme, puis récupérer son corps comme un voleur, laissant deux bâtiments détruits- et ce toujours sans aucune explication- c’est un enchainement d’actions digne de l’adulte responsable que tu te revendique d’être. Sans compter les innombrables blessés qu’il a fallu soigner, les dégâts occasionnés par tes frasques, les témoins à réduire au silence, la hiérarchie à convaincre… Je crois que tu peux t’autoproclamer sans crainte de concurrence le plus grand emmerdeur nain de toute l’histoire de l’armée!
-J’ai fait ce que j’avais à faire, je n’ai pas à me justifier Général de brigade Mustang.
Sa voix s’était faite mordante.
-Tu n’as pas à te justifier ! s’étrangla son interlocuteur. Tu te fous de moi là j’espère ! Tu me devras des explications jusqu’au jour où tu quitteras cette putain d’armée et ce n’est pas encore pour aujourd’hui ! Alors des explications, et maintenant !
Le blond laissa un étrange sourire se muer sur son visage, gardant un silence obstiné. Sous le coup de la colère, son supérieur s’était levé, le menaçant de toute sa hauteur. Il y eu une longue minute de silence, jusqu’à ce que l’ancien Colonel ne se rende compte de sa perte de sang-froid, jusqu’à ce qu’il s’effondre dans son fauteuil, las, jusqu’à ce qu’il murmure sa faiblesse, sa question.
-Est-ce qu’il va bien ?
Il haïssait ce gamin, et son frère était plus haïssable encore –d’une manière plus insidieuse- parce qu’ils réussissaient là où il voulait qu’ils échouent : ils le touchaient. Profondément, implacablement, chacun d’une manière diamétralement opposé. Alphonse et ses airs de saint, sa gentillesse et sa patience exacerbée, sa sagesse tranquille, sa fragilité et Edward, son tempérament sulfureux, ses colères et ses convictions si entières, et sa putain de force !
Il devenait vraiment vulgaire en vieillissant.
Ne recevant pas de réponse, il leva la tête. Breda avait vraiment raison, il y avait quelque chose de vraiment effrayant dans l’attitude calme du garçon, dans son regard fixé vers l’extérieur, dans son attitude abattue.
-Oui.
Bon, c’était déjà ça.
Une batterie d’autres questions l’assaillaient : Pourquoi n’était il pas à Central, avec lui ? Que leur était il arrivé ? Avait-il réussi à recoller son âme dans l’armure ? Avait-il été blessé ? Pourquoi n’avaient-ils rien dit ? Où étaient-ils partis ? Qu’est ce qu’ils avaient fait ? Et plus que tout : Pourquoi Edward ressemblait il à un chat sous une averse ????
Malheureusement, le téléphone l’interrompit avant même qu’il n’en entame une autre.


A suivre le 10 mars