10 mars 2011

Chapitre 3 ou celui à qui l'on montre le chemin

Deux semaines. Ca faisait exactement deux semaines qu’ils vivaient dans le même appartement et Edward en avait déjà marre de tout ce rouge. Il ne sortait pas beaucoup, s’ennuyait énormément et attendait sagement qu’on le convoque une nouvelle fois chez le Généralissime.
Sans surprise il avait échoué à tous les tests d’Amstrong. Mustang avait été vert en apprenant que le blond était inapte à l’exercice et par conséquent, relevé de sa juridiction. Cependant, aussi étrange que cela paraisse, il ne l’avait pas chassé de chez lui. Il lui avait même arrangé une chambre, vidant une pièce de ses innombrables cartons et installant un lit, rien de transcendant en somme. Mais le geste était… touchant.
Le Général de Brigade travaillait tous les jours jusque tard dans la nuit, ne rentrant que pour dormir, voire somnoler quelques heures. Le peu de fois où les deux colocataires forcés se croisaient, ils échangeaient quelques civilités d’usage, une ou deux piques bien senties de temps en temps mais rien de plus.
Pour s’occuper, le blond apprenait en autodidacte la cuisine. Ses repas devenaient de plus en plus élaborés et de moins en moins mauvais, et de cela Mustang ne s’en plaignait pas. Parce que les boites de conserves réchauffées à coup d’Alchimie pendant 5 ans, voilà quoi : ça ne nourrit pas son homme. Ca en faisait rire certains, beaucoup même. L’ancien Full Metal Alchemist, redouté dans tout le pays au fourneau… autant dire qu’un sérieux bottage de cul n’aurait pas été de trop. Mais le caractère du blond s’était empâté, même pas adouci selon son ancien supérieur.
Il ne faisait aucun projet, ne préparait aucun voyage, ni même une activité. Il se laissait vivre, trainant dans l’appartement pour ne pas avoir à réfléchir à l’endroit où il irait s’il sortait. Pour le FlammAlchemist cette situation était intenable. Chaque fois qu’il croisait son invité, chaque fois qu’il l’entendait raconter sa journée il était prit d’une envie incompréhensible de le secouer de toutes ses forces pour que ce gamin arrogant se réveille et redevienne…lui-même.  Et c’était vraiment dur de résister. Il ne lisait même plus ! Si les premiers jours Mustang avait tempêté contre le désordre qu’il mettait dans sa bibliothèque en ne remettant pas les livres lu à leur place, il ne s’en inquiétait plus désormais. Il lui avait proposé aimablement de le déposer à la bibliothèque de Central, espérant une réaction positive. Qu’elle ne fut pas sa surprise à celle du blond.
-Pas besoin de lire plus d’ineptie. Pour ce que ça me sert.
C’était le mercredi de la première semaine. C’était ce jour que le Général de Brigade avait mesuré la gravité de la situation. Il avait commencé à discrètement enquêter, mais la jeune Rockbell ne répondait pas à ses questions et restait rarement plus de quelques minutes au téléphone, les seuls témoins ne se souvenaient que de bâtiments détruit et de fumées insupportables et le peu de mots qu’il extorquait à son suspect ne le mettait pas sur le début du commencement d’une piste.
Un soir, en rentrant comme à son habitude tard, il trouva un mot avec son assiette – Edward n’avait rien trouvé de mieux que de s’essayer à la cuisine, avec plus ou moins de réussite- lui indiquant que le gosse ne serait pas là le lendemain et qu’il devrait se débrouiller tout seul pour la bouffe.
-Charmant.


Le bureau du Généralissime n’avait pas changé, ou si peu. L’homme en lui-même non plus n’avait pas changé, ni la pile de dossier qui s’amoncelait sur le plateau de chêne. Enfin, Edward espérait pour le chef des armées que ce n’étaient pas les mêmes dossiers. Mais son aîné n’était pas plongé dans la paperasse pour une fois. Il le fixait. Le blond craignait un peu cette conversation. Il avait toutes les raisons du monde.
-Je ne peux pas vous laisser partir.
Il avait vraiment toutes les raisons du monde.
-Je ne vous sers strictement à rien.
Même avec les bons arguments,
-Mais vous en savez trop.
même avec le peu de volonté qu’il lui restait,
-Vous ne pouvez pas me garder indéfiniment.
Il n’arrivait à rien.
-Non.
Vraiment à rien.
-Nous sommes tous les deux dans l’impasse.
-C’est exact.
-Le seul moyen de nous en sortir est de me laisser quitter l’armée.
Le moment s’étira.
-J’ai une dernière carte à jouer FullMetal.
L’ancien alchimiste grimaça, ce nom le hanterait encore longtemps.
-Soit, je vous écoute.
Jusqu’à présent il avait refusé chaque proposition du Généralissime, démontant point par point toutes ses théories, par courrier cependant.
-Félicitation, pour votre frère.
Le visage du cadet se ferma instantanément. Il était effrayant de voir un gamin de 17 ans avec le visage froid et distant d’un homme trentenaire.
-Je ne vois pas de quoi vous parlez.
-Sans aucun doute.
-Et peut-on connaitre le rapport entre mon frère et votre proposition ? Car il y en a un, n’est ce pas ?
Effrayant vous dis-je.
-Je sais de source sûre qu’il y a quelque chose que vous aimez plus que tout, après votre frère j’entends. Mais il semble que ce problème se soit réglé de lui-même.
-Et qu’est ce que c’est ?
-La connaissance.
S’il tenait ce fils d’Ishval, là maintenant !
Le blond laissa à son supérieur – plus pour longtemps – le temps de savourer son petit effet.
-Vous n’êtes pas sans ignorer l’existence d’un réseau d’information dans Amestris. Un réseau fort peu développé et rapportant des informations désuètes voire inutiles.
Son interlocuteur se détendit sensiblement, une lueur intéressée dans ses yeux ambres.
-Actuellement le gouvernement suggère de le démanteler, de le faire disparaître.
-J’avais compris.
-Mon avis sur le sujet ne semble pas les intéresser, avec raison. Tout cela coûte cher et ne rapporte rien.
-Qu’est ce que j’ai à voir avec ça ?
-Depuis un certain temps, la section des renseignements est inactive, pour ne pas dire oisive. Par le décret voté ce matin, je suis obligé de réduire les effectifs drastiquement. Je ne sais pas quoi faire de vous et d’un autre côté j’ai un poste de confiance vacant que je ne me résous à donner à aucun de mes subordonnés.
-Vous voulez que je dirige les renseignements. Vous m’avez-vous-même qualifié de mauvais militaire et vous voulez me confier les renseignements.
Devant le silence satisfait de l’homme il ne put qu’admettre l’évidence.
-Vous êtes complètement cinglé.
-Beaucoup d’autres le penseront.
-Je n’ai que 17 ans. Personne n’acceptera ça !
-Vous avez été admit au rand d’Alchimiste d’état à 12 ans, avez sauvez votre pays de la folie d’un immortel et de ses hommonculus et par la même de sa destruction. Vous avez ramenez le corps de votre frère d’un endroit dont on ne revient pas, l’avez sauvez de la mort et de la disparition en lui rendant son corps.
-Non, c’est…. Ça ne compte pas.
-Bien plus que vous ne semblez le croire.
Et si le Généralissime parlait des autres, le blond pensait surtout au fait qu’il était responsable de tout ça. Et ce n’était pas une raison tout à fait logique.
-Qui voudrait être sous les ordres d’un adolescent déséquilibré ?
-Je pense que vous n’aurez pas trop de mal à gérer une dizaine de militaire.
Silence
-C’est vraiment drastique là…
-C’est pourquoi j’ai besoin de quelqu’un d’efficace.
-Mais…
-Ecoutez, l’interrompit son aîné, vous aurez une totale liberté d’action, une activité indépendante de l’armée. Vous aurez accès aux archives du pays depuis sa création, un budget quasi-illimité, le personnel de votre choix et nous garantissons la sécurité de votre famille.
-Vous êtes franchement atteint.
Il pouvait dire n’importe quoi, il se savait perdu, ses yeux le trahissaient.
-C’est quoi la zone d’ombre ?
Autant pour moi, l’émerveillement ne rend pas tout le monde idiot et imprudent.
« Vous foutez pas de moi » signifiait clairement ses pupilles. Tout le reste était trop occupé à pétiller, briller, danser la lambada et le tango.
-Pas de report de responsabilité, vous serez le plus haut gradé, éluda l’aîné. Directement en collaboration avec moi, représentant et chef de l’armée.
-Collaboration ?
-Vous êtes difficile à appâter. Mais je sais que l’état de subordination est un mauvais poids dans la balance et qu’il est inutile d’essayer de vous museler.
Si seulement il était aussi doué pour tenir tête au Parlement.
-Pourquoi moi ?
-Je vous l’ai déjà dit. Vous en savez trop pour que je me permette de vous laisser démissionner.
-Non, je veux connaître la vraie raison.
Il s’était penché au dessus du bureau pour donner à ses paroles plus de poids. Son interlocuteur refusa de l’imiter.
-Devinez.


-Mais je rêve, c’est pas possible autrement.
Présentement assis dans une grande pièce, entouré de tout un tas de dossier à la couverture jaunâtre traitant de son futur personnel et envahissant un bureau –son bureau – délicatement ouvragé.
Il ne se localisait plus au quartier général. La secrétaire du Généralissime avait appelé un chauffeur qui l’avait déposé devant un immeuble discret en périphérie. 38, Rue de la Persévérance, si ça n’était pas de l’ironie ça !
Il avait accepté !
Comment avait il pu accepter ? C’était un piège gros comme une maison ! Plus gros que ça même ! Et il était tombé en plein dedans. Et il en avait le sourire jusqu’aux oreilles putain ! On ne souriait pas comme un dératé quand on venait de se faire baiser, pardonnez l’expression.
Il y avait au bas mot un millier de dossier ici. Presque autant dans les bureaux alentours, qui se rempliraient bientôt d’homme et de femmes sous ses ordres.
-Mais c’est pas vrai !
Lui qui n’arrivait déjà pas à s’occuper de lui seul, il devrait en plus gérer d’autres gens : ses subordonnés. Et au vue de la masse de travail à fournir il aurait besoin de pas mal de monde.
Une horloge lui indiqua l’heure avancée de la nuit. Il avait à peine feuilleté quelques chemises. Il comprenait un peu mieux Mustang et ses interminables rapports.
-Et merde, Mustang.
Il s’empara de son manteau en songeant vaguement à l’excuse qu’il donnerait à l’ancien Colonel de campagne.
« Hors de question de lui parler de cette affaire. Il serait foutu de débarquer dans le bureau du Généralissime et d’exiger ma radiation de l’armée. Non content de se faire passer pour un crétin il bousillerait toutes ses chances de gagner la confiance des autres. »
Une fois la porte du complexe fermée à l’aide d’une petite clé d’argent qu’il allait devoir dissimulée sans perdre, il quitta les lieux en direction du centre de la ville. Après une petite demi-heure de marche il arriva devant leur –est ce qu’il pouvait dire leur ? Après tout il ne vivait que provisoirement ici - appartement. Au vue de l’absence de lumière au niveau du troisième étage Edward en conclut que le propriétaire des lieux devait soit dormir, soit être absent.
« Dans les deux cas j’évite la morale… sauf s’il est avec une fille. « 
L’idée, aussi soudaine qu’incongrue le fit rougir si fort qu’il sentit ses joues rougir. Cependant rester dehors n’était certainement pas une option. L’autre solution était de rentrer et de risquer de le surprendre en train de…
« Je vais peut être faire un tour au parc moi. Wéééééééééé, c’est ça. Le parc. »
Quelle ne fut pas l’ironie du sort quand il croisa Breda –encore – sur le chemin.
-T’es pas sensé être chez le Boss ?
-Si si.
Est-ce que ses joues allaient s’arrêtées de le trahir !
-Qu’est ce qu’il y a ?
Il ne pouvait quand même pas lui dire la vérité, si ? D’autant que, plus les minutes passaient, plus la raison lui semblait stupide. Il allait finir par mourir de honte à force.
-Major ?
-J’suis plus Major, grogna le blond.
-Désolé.
Mais il n’avait pas l’air désolé du tout.
-Alors ? Vu l’humeur de Mustang aujourd’hui, ça ne m’étonnerais pas que ça ai un rapport. T’as pas fugué quand même ? JE te préviens, je vais pas te ramener à chaque fois que je te croise.
-Je suis pas un gosse, j’ai pas besoin qu’on me materne. Et avant que vous ne disiez quoique ce soit, je ne suis pas petit.
La tête du lieutenant était impayable.
-Quoi ?
-T’as fini ta crise d’ado ?
-Hey !
-Mais c’est bien ! Tu vas retrouver ton caractère de merde !
-Ca à presque l’air de vous faire plaisir… Et je n’ai pas un caractère de merde.
-Au moins tu ne hurles plus en pleine rue, il y a une évolution.
-Il va être une heure du mat’, je suis susceptible mais pas suicidaire.
-Ce qui revient à ma question, pourquoi es tu ici, là, maintenant ?
Essayant de détourner le sujet Edward retourna la question.
-On vient de finir un dossier assez épineux. Je peux pas trop t’en parler mais ça faisait un petit bout de temps qu’il trainait alors voilà.
-Oh.
-Ouais, oh. Et donc ? Toi ?
Retour d’Ed la tomate.
-J’ai été absent toute la journée et…. Hum… comme je n’ai pas précisé l’heure à laquelle je rentrais, j’ais… j’ai pensé… hum… qu’il (il s’arrêta plus rouge que jamais)… pourrait revenir accompagné.
Le roux le dévisagea de ses yeux ronds, la bouche béante.
-Quoi ?! s’exclama t’il d’une voix un peu trop aigüe pour être normale.
Rectification. Maintenant il pouvait mourir de honte.
-Je ne voulais pas prendre le risque alors je suis parti faire un tour au parc, au cas ou.
Il faut savoir que le terme « exploser de rire » ne veut strictement rien dire. On ne peut pas exploser de rire comme on ne peut pas voir des cordes tomber du ciel les jours de pluie. Il faudrait que cela vienne de l’extérieur, hors le rire, bien que son origine psychologique est situé en dehors du corps, vient, biologiquement parlant, de l’intérieur. L’expression exacte n’est donc pas « exploser de rire » mais bien « imploser de rire ». Mais ne nous attardons pas sur les aléas de la langue.
Le rire de Breda était semblable à un aboiement : bruyant et désagréable. Impossible à calmer aussi. A une heure du matin. Autant déclarer la guerre aux citadins.
« Silence ! » « Y a d’honnêtes gens qui dorment là ! » « J’appelle la police, c’est pas possible tous ces délinquants. »
En l’espace de vingt minutes ils se retrouvèrent derrière les barreaux pour vagabondage, tapage nocturne, violation du couvre feu des mineurs et insultes à agent. A sa décharge Edward avait tenté de s’expliquer avec eux et ceux-ci, n’écoutant que les adultes responsable n’avaient pas tenus compte de ses propos.
-Crétin.
Et Breda qui ne s’arrêtait pas de rire.
-BON BAH CA VA C’EST BON LA ! FAUDRAIT PENSER A S’ARRETER MAINTENANT !
-SILENCE !!!!
Autant dire que la nuit fut délicieuse. Et le lendemain plus encore quand le Général de Brigade Mustang débarqua au poste de police pour ramener son collègue et son squatteur.
Et Breda qui ne s’était pas arrêté de rire.
-Qu’est ce qu’il a ?
Le blond rougit et marmonna un « rien »en fusillant le roux du regard ; ce qui eu à peine l’air de le déranger.
-Dans ce cas lieutenant, la voix de son supérieur était glaciale, j’espère que vous avez bien dormi car nous avons beaucoup de travail à achever. Du fait de votre absence ce matin je considère que vous vous rattraperez cette nuit…
Et Breda s’arrêta de rire.
D’un coup.
L’ancien alchimiste ne put que remercier son sauveur. C’était injuste, Breda était un type sympathique, il ne méritait pas vraiment la réprimande. Mais le silence, ça faisait du bien.
-Un problème ? Questionna le brun devant les visages blêmes de ses interlocuteurs.
-Non, non.
-Pas dormi.
-Dans ce cas lieutenant, je vous suggère de rejoindre votre poste, quand à toi FullMetal, au lit.
Si si, imploser de rire EST possible.

A suivre le 10 avril