26 juin 2011

chapitre 6 ou d'autres pas

Que ce soit à l’est ou au sud la campagne restait la campagne. Vide, verte et immense. Interminable plutôt.
Mais quelle idée il avait eu de se perdre dans un coin pareil ! A trois jours de marche de toutes civilisations !
« Il veut se changer en ermite ou quoi ! »
L’ancien sous-lieutenant devait toucher une pension assez confortable pour s’acheter une maison aussi loin de la ville. Avec les frais d’hôpitaux, de transport, l’infirmière qui ne le quittait pas…
Distrait le blond trébucha. Il jura contre les routes de terre battue, les chemins de campagnes et ce foutu général qui ne pouvait pas se débrouiller tout seul.
Lorsqu’enfin il arriva en vue de la maison il se prie à hésiter. S’il n’acceptait pas il y avait un risque qu’il aille tout rapporter à Mustang, d’un autre côté l’offre paraitrait trop alléchante pour qu’il la refuse. La nature humaine avait d’extraordinaire sa difficulté à prévoir les réactions.
Le coin était esthétique, il pouvait au moins lui accorder ça. Il vivait dans une petite ferme reculée, à proximité d’un moulin à eau qui donnait au paysage un côté pittoresque. Des fleurs des champs fleurissaient ça et là colorant les verdoyantes collines, un beau paysage pour une belle retraite.
Avec un rictus ironique Edward se dit qu’il devait vraiment s’ennuyer dans ce coin si paumé.
Il frappa trois coups à la lourde porte de bois. L’infirmière lui ouvrit tandis qu’une voix masculine demandait qui s’était.
-Laissez, je vais m’annoncer seul.
Bien que meublé avec simplicité l’endroit était agréable, cosy. Tout était de plein pied bien sûr. Il faudrait arranger ça aussi.
Il lui sembla tout à coup que ses projets se liguaient contre lui pour faire exploser son cerveau.
-FullMetal ?
-Sous lieutenant Havoc.
Les deux interpelés grimacèrent.
-Je ne suis plus militaire Monsieur, se força à répondre le résident.
-Moi non plus. Pour dire vrai, je ne suis même plus alchimiste.
Au vu de la tête de son interlocuteur il devrait peut être éviter de le choquer trop dès les premières phrases.
-Il y a un problème ? demanda la jeune femme.
-Je, non non Valentine, tout va bien. Assieds-toi Edward, ne reste pas debout. Tu veux boire quelque chose ?
-Ca ira merci. Par contre si ça ne vous dérange pas je souhaiterais vous parler seul à seul.
-Pas de problème, je descends en ville de toute manière. Je reviendrais demain.
L’infirmière attrapa son manteau et quitta les lieux.
-Demain ?
-Son petit ami est revenu de son service militaire ce matin.
-Oh.
-Ouais, oh. Bon alors, que me vaux le plaisir de t’avoir chez moi ?
Avec un petit pincement malsain le blond s’aperçu de la facilité qu’avait les gens qu’il côtoyait à le tutoyer alors que lui, qui vivait pourtant avec l’un d’eux, ne passait pas ce cap.
-Boulot boulot.
-Alphonse n’est pas avec toi ?
Mais pourquoi tout le monde lui posait cette question ?
-Non, il est… resté à Resembool, pour se remettre.
-Est-ce qu’il est blessé ?
Il fallait bien peser le pour et le contre, bien que ce soit un peu tard. La vérité toute nue ne lui plairait sûrement pas, mais elle aurait le mérite de lui montrer qu’il lui accordait sa confiance.
Et ce que ça signifiait qu’il n’avait pas confiance en Mustang ? Il lui avait confié sa vie auparavant, plusieurs fois même.
-Disons qu’il faut du temps pour se remettre d’être redevenu un humain de chair et de sang.
Non, c’était différent. Si Mustang l’apprenait il se détournerait de son objectif, mieux valait, pour lui, qu’il ne lui dise rien, pour l’instant.
-Mais c’est fantastique ! C’est le colonel qui va être content.
Edward tiqua.
-Il est passé Général de Brigade il y a presque deux mois.
Lui dit, lui dit pas.
-Et il n’est pas au courant.
Les émotions de l’ancien subordonné du brun variaient avec la régularité d’un yoyo. Surprise, joie, surprise, joie, surprise et colère.
-Comment se fait il qu’il ne le sache pas ?
Havoc était fidèle à son ancien chef, on ne pouvait pas le lui reprocher. Le fait qu’il devienne agressif n’était pas bon signe, qu’il ignore ce qui se passait au dehors était problématique.
-Vous ne lisez pas les journaux.
-Qui le sait ?
Le chef des renseignements soupira. L’histoire de son petit frère était connue de peu de gens. Lui, Izumi, le Généralissime et maintenant Havoc. Il y avait une raison à cela, une raison valable. Plus le nombre de personne le sachant était réduit plus le nombre de personne susceptible d’être enlevé et torturé pour avoir une réponse était faible : ils avaient beaucoup d’ennemis. De plus, moins ils étaient nombreux moins ils débarqueraient chez les Rockbell pour savoir comment son cadet se portait. Ainsi le jeune Alphonse serait déchargé de tous ses individus lui demandant des nouvelles alors qu’ils lui seraient parfaitement inconnus.
-Mustang en sait suffisamment. Et pour leur sécurité à tous les deux il vaut mieux que ça reste comme ça.
Evidemment il ne fallait pas s’attendre à une réaction positive à ces mots. Il maudit son air buté et ses paroles trop dures. Il devait convaincre son aîné, sinon son plan tombait à l’eau et avec lui des dizaines d’autres.
Il essaya de prendre un air plus calme, plus enfantin.
-Vous n’êtes pas intrigué de ma présence ici ?
L’attitude défensive de son interlocuteur ne cilla pas. Il pouvait lui donner le papier immédiatement –celui qui expliquait en des termes clair et précis l’affectation d’un certain Jean Havoc sous les ordres d’Edward Elric- mais il serait alors impossible qu’il n’en informe pas Mustang au plus tôt. Non, il devait d’abord lui faire comprendre qu’il était là dans l’intérêt du brun.
-Vous n’avez plus aucun sens de l’humour…
-Le Général sait que tu es chez moi ?
-Non. Et avant que tu ne poses la question il ne sait pas non plus pourquoi je suis parti. Je vis actuellement sous son toit et nous entretenons une relation neutre. Je ne suis donc pas là dans le but de le descendre ou de lui nuire. Je dirai même que c’est plutôt le contraire.
Il avait prit un air dégagé pour lui expliquer ce que lui-même ne comprenait pas vraiment. Mais l’arrangement était pratique et tant que le militaire ne le jetait pas à la rue il ne se poserait pas trop de questions.
-Je ne comprends pas.
Edward inspira longuement.
Havoc était loin d’être un génie mais il compensait largement cela grâce à une imagination très pragmatique et un sens de l’action maîtrisé. A comprendre bourrin mais avec subtilité. Mais plus que tout, l’ancien soldat était loyal, autonome et sociable. Même si toutes ses relations amoureuses étaient tombées à l’eau.
-Je suis ici pour te proposer un contrat. Si tu es disposé à l’accepter tu devras travailler sous ma responsabilité et ce dans le but d’aider Mustang à accéder au siège de Généralissime.
Ca s’était le côté doré de l’histoire. Avec de la chance il ne poserait aucune question sur toutes les zones d’ombres de cette proposition.
Et le Saint Nicolas en paquet cadeau avec s’il vous plait. Vous ne faites pas de prix de groupe ? Dommage.
Le paraplégique le dévisagea suspicieusement et à raison.
- Et que pense le Général de ce contrat ?
-Il l’ignore. Quant à mes motivations elles sont assez simples : ce type est incapable de réussir tout seul son entreprise, mon poste est très gratifiant et je lui fais suffisamment confiance en ce qui concerne ses projets en tant que Généralissime. Je n’ai en outre pas grand-chose d’autre à faire…
-Qu’est ce que je viens faire la dedans ?
Résigné à dire l’entière vérité d’une traite Edward prit une grande inspiration.
-Je suis l’actuel chef du réseau d’information le moins performant de tout Amestris. Et tu vas m’aider à le réhabiliter complètement. Non Mustang ne le sait pas, parce que s’il l’apprend il se concentrera davantage sur ça que sur son ambition. Oui c’est le Généralissime qui m’a donné ce poste. Non je ne suis pas sous ses ordres. Oui je soutiens Mustang mais ne vous méprenez pas, c’est le candidat le plus potable que nous ayons.
-Mais…
Avant de continuer sa réflexion plus avant l’ancien gradé tira une cigarette d’une de ses poches, la déposa entre ses lèvres et l’alluma. Il en aspira une longue bouffé, la savoura les yeux clos et continua.
-Résumons, tu vis avec le Général et pourtant il ne sait absolument pas ce que tu fais et pourquoi tu es seul. Tu te bats pour lui mais il ne sait absolument pas comment. Tu le gardes dans l’ignorance parce que tu penses que c’est mieux pour lui et tu me demandes à moi de rejoindre ta combine.
C’était assez bien résumé. Edward acquiesça.
-Que devrais-je faire ?
Un petit sourire satisfait plaqué sur le visage le blond sorti un petit carnet de sa besace.
-Ceci.
L’objet changea de main et Havoc le fixa avec intérêt.
-Ouvre-le.
Il s’exécuta. Les pages étaient noircies d’une écriture fine et déliée : celle de l’ancien alchimiste à n’en pas douter. Une date et une heure devançaient de petits paragraphes relatant un évènement. Dans la petite marge improvisée quelques symboles codaient sans doute des remarques ou des réflexions sur le sujet.
-Et alors ?
-J’ai besoin que vous les conserviez.
-Je crois qu’on à dépassé le stade du vouvoiement non ? Tu vas devenir mon patron.
-Est-ce que ça veut dire que tu acceptes ?
Le « tu » était venu bien plus facilement qu’il ne le pensait.
-Je n’ai pas vraiment le choix de toute façon.
Une main de métal se posa sur son bras et le serra, sans que cela soit douloureux cependant.
-J’ai besoin que tu acceptes de ton plein gré. Tu devras lui mentir, protéger les secrets que je te confierais comme si c’étaient les siens. Je sais que je ne le ferais pas sous la contrainte.
Havoc fut frappé par la sincérité que reflétait le regard de son presque nouveau patron. Il avait toujours cru que le blond détestait son supérieur hiérarchique. Comment en était-il venu à le soutenir ?
-Ce sera toujours dans son intérêt n’est ce pas ?
Edward le relâcha, se redressa et renifla de dédain.
-Le but étant de l’amener jusqu’au fauteuil du chef des armées, ça me semble évident.
Après un moment de silence le paraplégique désigna le carnet.
-Est-ce tout ? Je devrais seulement les garder ?
-Tu veux dire, en plus de faire en sorte que seul toi et moi sachions qu’il soit là ? Non, tu devras les lire, je ne te demande pas de les mémoriser rassure toi. Il faut que tu te remettes à jour dans l’actualité. En plus de cela il faudra prendre ma place lorsque je partirais.
-Partir où ça ?
-Réveiller tous les fainéants qui sont censé travailler pour moi. Développer le réseau là il ne l’est plus ou pas assez. Réquisitionner celui des crétins qui pensent que je n’ai pas vu leurs manigances. Recontacter Lin Yao pour fusionner deux ou trois branches. Je crois que je vais encore voyager un moment avant de prendre ma retraite. Tu devrais savoir à chaque fois où je suis, en théorie. Trouve t’en flatté, tu seras bien le seul. Chaque mois je t’enverrais un carnet semblable que tu dissimuleras ici ou garderas avec toi, une fois à Central.
-Autre chose ?
Nonchalamment Edward se rassit en face de son interlocuteur, une jambe tendue devant lui.
-Une dizaine de personne à gérer, mais je ne crois pas que ce soit un obstacle conséquent. Le plus impressionnant c’est de prendre des décisions et je devrais, normalement, accaparer toute cette partie du contrat.
Un long frisson parcouru le fumeur, l’ancien alchimiste avait l’air de prendre son rôle à la légère. Certes il le connaissait assez pour dire que ce n’était pas le cas, mais Ed n’avait que 17 ans.
-J’ai combien de temps pour y penser ?
-Une heure.
-C’est court.
-Sous réserve que l’autre ne sache rien, aucun refus ne sera définitif. Et cesse de me fixer avec ce visage effaré. Ce n’est pas parce que je vais l’aider que je vais être gentil avec lui ! Tu devrais être content, je soutiens Hawkeye dans sa campagne de bottage de cul.

23 mai 1916
Visite à Havoc pour proposition d’appartenir au projet
Résultat encourageant
Réponse positive


Désolé pour le retard mais j'ai eu quelques pérégrinations qui m'ont retardées...
En tout cas j'espère que vous apprécierais ce chapitre.
Bonne lecture à tous.
WD