10 février 2012

chapitre 11 ou la déviation

Il l’avait évité ces derniers jours. Le terme évité n’était peut être pas le plus juste, mais c’est le seul qui lui venait à l’esprit pour le moment. Le fait qu’il en ai profité pour travailler plus tard qu’à l’accoutumé n’était qu’un détail. Malheureusement, ce n’en était pas un pour l’un de ses subordonnés qui ne cessait de le harceler à propos d’un quota de sommeil quelconque.

Il reposa son crayon et se permit une minute pour relâcher la pression. Son horloge indiquait minuit dix. Le bâtiment était aussi silencieux qu’un cimetière et seule sa lampe personnelle projetait un halo de lumière pâle autour de lui. Devant lui s’éparpillait des dizaines de rapport de la situation au nord. Si Olivier Amstrong gardait son front intact, comme il fallait s’y attendre, l’arrière ne suivait pas du tout l’effort de guerre. En fait personne ne semblait avoir remarqué de changements dans la région : les rares villages détruits étaient reconstruit ou déplacés. A part l’augmentation du prix de quelques denrées non vitale on ne se plaignait pas, visiblement confiant en la force armée d’Amestris.

Cependant la situation n’était pas aussi stable qu’elle en avait l’air. Les récoltes s’amenuisaient, les soldats morts n’étaient pas remplacés, les officiers ne recevaient que rarement leur paye et sans l’épée de Damoclès que représentait leur chef ils auraient quittés les rangs depuis longtemps.

Et Drachma qui redoublait d’effort pour faire plier son voisin si arrogant. L’Assemblée refusait d’engager plus avant l’armée de peur qu’elle ne reprenne le pouvoir et le Généralissime était trop frileux pour s’imposer auprès d’eux.

Edward ferma les yeux et se massa l’arête du nez. La sensation de sommeil s’amenuisait. En fait, son corps était tellement habitué à ce genre de traitement qu’il prenait ce qu’on lui donnait avec soulagement sans faire preuve d’aucune faiblesse auparavant. Quoique sa jambe commençait à être un problème, ce qui avait été auparavant un boitillement était devenu une claudication visible, accentué par ses période de repos, trop courte.

Il se leva et fit quelques pas avant de s’étirer. Son dos lui faisait mal ; étant donné qu’il n’avait pas dormi dans son lit depuis quatre jours ça ne l’étonnait pas.

Il laissa échapper un long soupire alors que ces articulations, de chair et de métal, protestaient devant un tel traitement.

Retourner chez Mustang serait une mauvaise idée. Il ne recevrait que des scènes de ménages injustifiés dont il ne comprenait ni l’utilité ni l’origine. Il pouvait toujours aller à l’hôtel mais ses réserves d’argent étaient déjà bien entamées par les voyages en train et le peu de nourriture qu’il avalait.

Eh bien, au moins il serait plus près de son bureau et il n’aurait pas à préparer ses repas.

Cependant surveiller ses faits et gestes se révèlerait plus ardue.

Pourquoi n’avait il pas quitté l’appartement plus tôt ? Ca lui aurait évité bon nombre de problème maintenant.

D’ailleurs, pourquoi se donnait-il autant de mal pour ce boulot ! Après tout Mustang était bien capable de se débrouiller tout seul.

Tellement capable qu’il avait failli tuer de sang froid un Homonculus pour venger son frère d’arme défunt, au risque de devenir fou. Tellement capable qu’il s’enflammait à la moindre occasion, à la moindre remarque et risquait de partir sur une fausse piste simplement parce que ces ennemis avaient un grain de plus dans le cerveau que cet homme. Tellement capable que son second était obligé de le surveiller quasiment jour et nuit pour éviter qu’il ne s’enfuit et ne quitte son poste.

Il était foutu. Définitivement.

En fait, la question la plus logique serait : mais comment ce type faisait il pour assumer ses ambitions alors qu’il n’en avait pas les moyens ?

Edward ricana, pour quelqu’un de déterminé à accomplir ses objectifs le général de brigade se focalisait un peu trop sur des sujet sans importance.

Prendre le risque d’abandonner son poste pour partir à sa recherche… le Généralissime était peut être vieux et peu désireux de s’opposer au gouvernement actuel, il n’en restait pas moins le chef des armées. Et même si il soutenait très officieusement Mustang rien ne l’empêcherait de le renvoyer pour abandon de poste.

Le blond fit une mini prière de remerciement à Hawkeye, la seule à ce jour à pouvoir influencer ce crétin d’alchimiste de flamme.

Peut être qu’elle pourrait l’accueillir, songea le blond tout à coup. Ce serait un bon moyen de prendre des nouvelles de Mustang régulièrement tout en évitant le susnommé.

Malheureusement pour lui, Hawkeye était trop intelligente pour son propre bien. Non pas que le brun ne le soit pas… non, il gardait juste une part de crédulité enfantine qui permettait de faire à peu près tout et n’importe quoi dans son dos. Il y avait également un autre avantage non négligeable à vivre avec le FlammAlchemist : il ne posait pas de question, ou très peu. Son second ne serait pas aussi concilient.

A long terme, cela deviendrait problématique. L’ancien alchimiste tourna son regard vers la fenêtre : une grande baie vitrée qui donnait sur Central et quelques unes de ses rues. Peut être la situation nécessitait elle une aide extérieur ; bien qu’il douta de l’existence d’un livre concernant la colocation avec Roy Mustang.

Il ne pouvait décemment pas appeler Winry ; Alphonse n’était même plus une option ; son maître ne lui serait d’aucune aide étant donné qu’elle refusait tout contact avec l’armée, de même que Pinako ; il se voyait mal parlé de ce genre de problème avec l’équipe de Mustang, seuls individus  à qui il aurait pu éventuellement se confier ; Hawkeye était trop elle-même pour qu’il puisse s’en tirer sans dommage.

Il restait toujours Black Hayate mais il ne serait pas d’un grand secours.

En discuter avec le principal intéressé ne ferait que conduire à une nouvelle engueulade.

Il se servit une tasse de café fumante et la porta à ses lèvres. Il en détestait le gout mais cela avait le mérite de le garder éveillé. Un coup d’œil à l’horloge lui indiqua que ses pérégrinations mentales lui avaient coûté une demi-heure, il se réinstalla à son bureau et se concentra sur les rapports que lui avait envoyé le second du redoutable commandant Amstrong.

Il du se rendormir car c’est sur un visage rond et inquiet qu’il ouvrit les yeux.

-Vous avez encore passez la nuit à votre bureau, dit la voix, indéniablement féminine de son interlocuteur.
Sept heure. Il avait pu grappiller trois heures de sommeil, un luxe !

-Vous n’étiez pas supposé être aux archives ?questionna t’il en s’étirant, décollant au préalable une feuille d’un rapport quelconque collée à sa joue.

 -Elles sont fermées aujourd’hui. Il y a une fuite d’eau apparemment. 

La jeune femme se redressa et remonta ses lunettes, un tic qui trahissait une longue habitude. Elle arborait un air soucieux qui agaça son patron ; cependant il ne fit aucun commentaire et prit sans un mot le journal qu’elle lui tendit.

Pour une fois il n’annonçait pas de grandes nouvelles. Il se fit une note mentale vis-à-vis des prépublications : savoir les gros titres des médias un jour à l’avance pouvait lui rapporter de précieuses heures.

Il lui rendit un peu brusquement et elle parti le ranger dans le carton approprié sans pour autant s’en soucier.

L’ancienne bibliothécaire était, semble t’il, ravi de son nouvel emploi ; elle mettait beaucoup de zèle à lire toutes les archives disponibles et bien qu’elle en ressortait toujours horrifiée elle ne se plaignait jamais du rythme que lui imposait son supérieur, bien plus jeune qu’elle.

Edward était heureux qu’elle ai accepté, ces deux autres employés lui étaient inconnus bien qu’ils aient été recommandés par Hugues du temps de son poste aux renseignements. Leur travail était impeccable pourtant le blond rechignait à leur donner des tâches plus importantes. Après tout cela faisait à peine trois mois qu’ils travaillaient ensemble ; peu de personne arrivait à mériter sa confiance ; résultat d’une vie trop mouvementée.
Le mystère à élucider restait comment Mustang avait réussi à l’acquérir, voire la conquérir à ce stade.

Il laissa un sourire taquin effleurer ses lèvres. Il n’y avait pas de mots pour décrire un homme comme lui : feignant et pourtant travailleur, orgueilleux mais incertain, inflexible sans être tyrannique, prévisible et imprévisible à la fois.

Il assista à l’entrée de son second toujours perdu dans ses pensées, il nota distraitement quelques détails dans un carnet qu’il gardait sur lui en permanence puis au bout d’une dizaine de minutes de rêverie se remit au travail.

Il s’inquiéta toute la matinée à propos de l’absence de nouvelle du sous lieutenant Ross, à cette allure il allait prendre du retard sur son planning et ce n’était pas acceptable. Les nouvelles venues de Creta présageaient trop le conflit à venir pour qu’il puisse négliger une région au passif aussi important que l’Est.

Havoc déposa devant lui un sandwich auquel il toucha à peine et sous les regards inquiet et soucieux de ses subordonnés il reprit le travail. Une heure après midi il reçu un coup de fil impératif de la part du Généralissime et il du abandonner sa pile de paperasse qui ne diminuait pas.

Arrivé au quartier général il évita consciencieusement le département d’un certain Flamm Alchemist en passant par le passage secret et entra dans le bureau du chef des Armées sans frapper. Il trouva ce dernier aussi occupé que lui, profitant sans doute des dernières minutes qu’il lui restait pour relire un quelconque rapport.

Edward s’assit dans un fauteuil et attendis calmement qu’il ai terminé. Comme il l’avait prévu cela ne dura pas longtemps et il pu entamer la conversation.

-Il y a un problème ?

Visiblement oui, au vue de la tête du Généralissime.

-Je suppose que vous êtes au fait du nouveau texte de l’Assemblée, grogna t’il.

-Réduction de budget, ça n’a rien de nouveau.

L’ancien alchimiste se tendit un peu au vue de la réaction du vieillard. Avait-il fait une erreur ? Non, impossible. Il avait, jusqu’à présent, planifié la moindre action de l’Assemblée à la perfection. Pourquoi cela changerait il maintenant ?

Il se saisit du document que lui tendis le Généralissime et le lit avec attention.

La substance ne variant pas de ce qu’il avait eu dans les mains ces trois derniers mois : réduire le pouvoir, réduire le champ d’action, réduire le budget. Peut être que la nouveauté se plaçait dans le dernier paragraphe qui traitait de punir les coupables de guerre mais ce n’était ni le premier ni le dernier.

-Je ne vois pas ce qui vous affole à ce point, dit il en rendant l’article ébauché.

-Le dernier paragraphe ne vous effleure pas plus que cela ?

L’adolescent haussa les épaules. Il répondit que l’urgence ne se situait clairement pas dans l’opinion d’un seul homme. Car au regard du texte, de son vocabulaire peu courant voire pompeux il semblait évident que c’était une proposition qui avait remué quelques idéalistes sans convaincre la majorité. Ce problème pouvait attendre.

-Je suis plus inquiet à propos des conflits avec Drachma et Creta, ajouta t’il. L’assemblée n’a toujours pas discuté de soutenir Briggs je présume, les rapports que je reçois sont plutôt minimaliste mais pour avoir parcouru la région il n’y a pas si longtemps je sais qu’ils manqueront bientôt de moyen. Je vous suggère de prendre les devants et de vous préparer à une mobilisation rapide à Central.

Le Généralissime hocha la tête en signe d’accord puis se recentra vers un autre sujet en silence.

Edward se leva de son siège pour se retirer, il fut interrompu par un mouvement sec de la main de son interlocuteur.

-Nous n’avons pas terminé, signifia t’il.

-Dans ce cas serait il possible d’aller droit au but ?

-Justement, voilà trois mois que vous voyagez dans tout Amestris et j’ai aucune nouvelle de ce que vous faites. Il me semblait que nous avions établie que vous me tiendrez au fait de vos actes n’est ce pas ?

-Et n’est ce pas ce que j’ai fait ? demanda Edward sur la défensive.

-Le fait est que je sais où vous vous êtes localisé durant ces trois derniers mois mais ce que vous y avait fait n’a pas été notifié.

Son interlocuteur laissa échapper un ricanement lourd de sens.

-Ni vous ni moi n’avons pas le temps pour ce genre de chose. J’ai établi ces compte rendu comme un service que je vous rendais et aucun cas comme un devoir ; rappelez vous que vous n’êtes pas mon supérieur.

-Trop de travail a été abattu pour que vous abandonniez maintenant.

Edward se redressa dans son fauteuil, croisa ses jambes et ses mains qu’il posa ouverte en haut de ses cuisses, clairement en confiance vis-à-vis de la tournure que prenait la conversation.

-Trop de travail a été abattu pour que vous vous permettiez d’avoir des doutes sur le candidat que vous avez choisi, répliqua t’il sur le même ton.

-Je n’ai pas de doutes concernant Mustang, répondit le Généralissime.

-Mais ce n’est pas au Général de brigade Mustang que je faisais référence.

Un silence glacial s’interposa entre eux. Finalement l’adolescent se leva et se dirigea vers la porte de sortie du bureau.

-Je ne suis pas le meilleur pour ce poste parce que vous pouvez me contrôler Monsieur, mais justement parce que j’agis sans votre aval. Vous avez choisi de me confier ce travail, assumez le jusqu’au bout.

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